ET SI...

 « De tous les êtres vivants l’homme est le seul qui ait atteint ce point où il ne sait plus pourquoi il existe. Il ne se sert plus de son cerveau et n’a plus souvenir du savoir secret de son corps, de ses sens et de ses songes. Il n’a plus recours à la connaissance que l’esprit a déposé en chacun et n’en a même pas conscience. Et c’est là ce qui lui fait prendre, aveugle et trébuchant, cette route vers nulle part. Une grande route qu’il se fraye au bulldozer et dont il lisse l’asphalte pour être plus vite au bout, à ce qui l’y attend, au grand trou de néant ouvert pour l’engloutir. C’est une bien belle autoroute et bien roulante. Mais je sais où elle mène. Je l’ai vu, de mes yeux vu, j’étais présent dans sa vision. Et j’en frémis encore. » Lame Deer (daim boiteux) Chamane lakota.

 

 Et si cette course effrénée de la science, ou tout au moins, la mauvaise interprétation de ses résultats, ne faisait que nous éloigner de la réalité. Le désir de créer une image unique, d’aboutir a une loi générale unificatrice de l’univers, amène le milieu scientifique à multiplier les unités de travail et, en fin de compte, à se morceler. Cette division en domaines spécifiques, tels que la chimie, la physique ou la biologie, prédispose à un ralentissement d’efficacité, du fait d’une mauvaise mise a disposition de l’information entre chercheurs. De plus, à l’intérieur de chaque domaine scientifique, les spécialisations sont de plus en plus poussées, entraînant un éloignement, non seulement du but premier de la recherche, de son intention motivée, mais aussi et surtout, de la globalité des connaissances déjà acquises.

 

 Questionnez un chercheur sur un domaine différent de sa propre spécialité, il n’ aura une réponse que partielle, car d’autres confrères en auront fait leur sujet d’étude et se seront eux aussi perdus dans le labyrinthe de leurs propres travaux.

Il y a un manque d’interconnections entre les différentes disciplines, alors que l’aboutissement de la connaissance nécessite une mise en commun du savoir dans sa globalité.

 

 David Bohm, grand physicien contemporain, parle de « fragmentation scientifique ». Pour lui, « la fragmentation ne résulte pas tant d’un défaut dans l’approche scientifique que de la façon dont les êtres humains perçoivent et agissent en général, non seulement en tant qu’individus, mais surtout au niveau d’une société organisée. On voit la fragmentation apparaître dans la communication entre chercheurs, et finir par s’ intégrer à l’utilisation même du langage scientifique. Or, les causes d’une telle fragmentation étant en général essentiellement subliminales, elles sont extrêmement difficiles à détecter et à corriger ».

 

 Il est effectivement très difficile de remettre en cause un savoir acquis, d’autant plus que ses fondements résident dans l’inconscient. Face à un processus expérimental, le scientifique va agir en fonction de ses certitudes, du résultat de ses expériences ultérieures, du milieu dans lequel il évolue et de son état d’esprit. Même s’il s’en défend en toute bonne foi, son objectivité ne pourra qu’être influencée par son inconscient.

 Il ne peut y avoir d’évolution sans remise en cause permanente de l’acquis. Le scientifique doit pouvoir se dégager de ses propres concepts, de « l’infrastructure tacite des idées scientifiques » selon David Bohm.

Comme tous courants de pensée dans l’histoire de l’humanité, la science moderne, si jeune soit elle, a évolué par étapes successives.

 

 Nous alternons entre périodes où l’acquis reste une «  valeur sûre » et celles où tout est remis en cause. La transition se fait de façon bien souvent radicale et laisse place à ce que les scientifiques appellent un nouveau paradigme. Le paradigme sera alors un modèle théorique de pensée orientant les futurs chercheurs dans leurs travaux. Le problème majeur de cette démarche est la nature « castratrice » de l’imagination créatrice de l’esprit.

 

 L’innovation, la libre pensée du scientifique se trouve quelque peu freinée dans son élan. Le paradigme dicte, non seulement la théorie, mais aussi toute la démarche conceptuelle du scientifique, et en agissant sur l’inconscient, « formate » le chercheur qui sera persuadé que tout écart non vérifié par la règle générale ne peut être une idée recevable. Cette situation perdure jusqu’à l’arrivée du prochain paradigme, source nouvelle de faux concepts.

 

 Il est difficile en ces termes d’ évoluer en toute liberté d’esprit si tout vous pousse à rentrer dans le « moule ».

 

 De plus, l’histoire même de la science prouve bien que ce chemin rigoriste n’est peut être qu’une mauvaise approche de la méthode.

En effet, les plus grandes découvertes scientifiques sont dues, pour la plupart, à la perspicacité de leur initiateur.

 

 C’est bien souvent en associant, en interprétant différents travaux déjà accomplis par des prédécesseurs qu’émerge une théorie révolutionnaire. Ainsi Einstein doit beaucoup à Poincaré et la célèbre théorie quantique moderne n’est autre que le rapprochement fait entre la théorie d’Hamilton et Jacobi (tout mouvement est perpendiculaire à un front d’ondes) et celle de Newton (tout mouvement découle de trajectoires définies suivies par les particules) un siècle plus tôt !

 

 Cette image d’une science exacte ne correspond pas à la réalité. Le fait de devoir établir des règles pour maintenir une certaine forme de cohésion dans la démarche, est par principe totalement inapproprié à la recherche de la vérité. Comment décider de la validité d’une information, et de la privilégier à d’autres, toutes aussi recevables. Une des réponses scientifiques, et pour le moins originale est le « rasoir d’Occam ». Cette notion nous dit qu’une explication simple d’un phénomène a plus de chance d’être vraie qu’une explication compliquée. En d’autres termes « tout ce qui n’est pas nécessaire est inutile ». Même en cuisine Maïté travaille avec plus de rigueur !

 

 A faire le choix sur la véracité d‘une explication, je préfère la voie de C. Castaneda pour qui « tout chemin est seulement un chemin, et il n’y a pas offense envers soi-même ou les autres à le quitter si le cœur t’en dit… Regarde chaque chemin séparément et délibérément. Essaie-les autant de fois qu’il te parait nécessaire. Puis demande toi, et à toi seul : ce chemin a-t-il un cœur ? S’il en a, le chemin est bon ; s’il n’en a pas, il n’est d’aucune utilité. »

 

 Comme un explorateur dans un tunnel, le chercheur est amené à étayer son avancée, à s’appuyer sur des concepts concrets à coup de formules mathématiques ou chimiques, elles mêmes créées de toutes pièces pour rassurer son utilisateur. La plupart du temps, il ne fait que résoudre le « problème du moment », sans apporter un grand changement à l’édifice. Chacun creuse son « petit tunnel », alors qu’ensemble, c’est le champ en entier qu’ils pourraient retourner. Il se perd alors dans les méandres de la virtualité, sur cette route sinueuse ne menant à presque rien, sauf peut être à une première certitude que rien n’existe, que tout est phénomène.

 Comment pourrions nous demander à la science de nous définir une notion aussi vaste que la réalité, avec une approche aussi étriquée et abstraite. Car en fin de compte, le milieu scientifique a un devoir d’information vis-à-vis de l’humanité. Mais l’ information passe inévitablement par une forme de langage approprié et, par conséquent, universel. Comment donc réaliser cet objectif, quand on rencontre déjà des difficultés de communication à l’intérieur même de sa corporation.

 

 Le langage, tout est là. 

 

 « La contradiction, si embarrassante pour la pensée courante, vient du fait que nous devons utiliser le langage pour communiquer notre expérience subjective qui, dans sa nature véritable transcende la linguistique » nous dit D.T.Suzuki.

 

 Rien ne se fera sans un langage approprié, compréhensible par tous. La vérité doit être énoncée de la même façon pour chacun d’entre nous.

Prenons, comme exemple, le principe d’incertitude d’Heisenberg selon lequel la vitesse et la position d’une particule ne peuvent être mesurées simultanément avec précision ( flou quantique ). Ce principe est à la base de la mécanique quantique, qui nous dit que la matière et la lumière peuvent être à la fois onde et particule (principe de complémentarité de Bohr). Comment réussir à communiquer une telle connaissance, quand les mots ne suffisent pas, qu’aucun modèle verbal ne parvienne à retranscrire ce qui ne peut être que pensé. Heisenberg disait lui-même « les problèmes du langage ici sont réellement sérieux. Nous souhaitons parler de la structure des atomes, mais nous ne pouvons pas en parler en langage ordinaire ».

 

 Le langage ordinaire est effectivement trop sommaire et ambiguë, quand la science demande une exactitude dans ses propos.

 

 En science, une théorie est établie après de multiples protocoles expérimentaux qui la créditeront. Les physiciens, par exemple, utilisent toute une série de symboles mathématiques, totalement incompréhensibles pour la plupart d’entre nous, mais incontournables pour étayer leur thèse. Tout le problème est dans la restitution des informations, dans ce passage d’un concept rigoureux à celui plus prosaïque du langage ordinaire. Einstein le premier disait : «depuis que les mathématiques ont envahi la Relativité, je ne la comprends plus ! »

Il va donc falloir repenser la physique. Einstein disait : « l’espace et le temps sont les modes par lesquels nous pensons et non les conditions dans lesquelles nous vivons ».

 

 Cette prise de conscience récente, dans le milieu scientifique, amène certaines personnes a se poser la fameuse question : sommes nous en train de décrire la réalité, ou au contraire de fabriquer un monde ?

Qu’est-ce que cette réalité ? Est-elle basée sur quelque chose de concret ou sur des concepts qui nous ont été soumis au cours des temps par des hommes de grandes persuasions ? Des personnes de bonne foi, certes, mais qui par leur optimisme démesuré se seraient fourvoyés sur la réalité des choses. Cette réalité incontestable et surtout incontestée par la plupart d’entre nous, existe-t-elle vraiment comme nous la voyons ou la ressentons ?

 

 Ne serait ce pas simplement une information que nous aurions matérialisée et sur laquelle nous aurions bâti du « vide » en croyant concrètement bâtir du « réel ». Ne serions nous pas au cœur d’une magistrale hallucination, acteur d’un rêve pharaonique, d’un film virtuel démesuré dont l’histoire serait déjà écrite ?

 

 Reprenons la définition littérale de la physique : science qui étudie les propriétés générales de la matière, de l’espace, du temps, et établit les lois qui rendent compte des phénomènes naturels.

 

 Mais si la matière n’est pas ce que l’on croit, ses propriétés risquent d’en être bouleversées. Nous pensions que la physique nous donnait la définition de la matière alors qu’elle ne donne que des informations sur un mode de représentation. Elle ne nous parle pas de la matière mais de ce qu’elle en sait.

 Niels Bohr disait «  le but de la physique n’est pas découvrir ce qu’est la nature, mais ce que l’on peut dire sur elle ».

 

 Et bien voilà, tout est dit, la réalité que nous propose la physique n’est en fait que l’information que nous avons sur elle.

 

 Effectivement une nouvelle physique est en train de voir le jour : une physique qui interprète toute chose à partir de l‘information seule. Ce que nous observions hier n’a plus le même fondement aujourd’hui. Il faut réinventer, réinterpréter la mécanique quantique en essayant de saisir la description, qu’elle donne, de notre accès à l’information, et non de l’information elle-même qui est subjective et dépendante de l’observateur.

 

 Les physiciens prennent peu à peu conscience que la mécanique quantique ne décrit pas le comportement ondulocorpusculaire d’une particule mais bien l’ information que l‘on a dessus. Rappelons succinctement la définition d’une information : elle est à la fois le message a communiquer et l’ensemble des symboles régissant la transmission et la réception de signaux.

 

 Le but est ici bien défini : il faut s’intéresser à la description même des messages et non à la lecture propre du message, s’ intéresser au contenant et non au contenu.

 

 Selon le physicien Jeffrey Bub, la mécanique quantique « est une théorie sur la représentation et la manipulation de l’ information dans un monde qui en contraint les transferts ».

 

 Pour lui, il n’est pas pertinent de se demander ce sur quoi porte l’information : « Imaginez que vous vouliez envoyer un message sur ordinateur. Peu importe ce que contient ce message : ce qu’il faut c’est compresser, transférer et décoder ce message sans se préoccuper de ce a quoi il fait référence. Décrire les messages d’informations : voila selon moi le nouveau et unique but de la physique fondamentale. »

 

 L’information n’est qu’un ensemble de données dont les caractéristiques portent en elles les concepts de l’observateur.

 

 Le rôle d’un physicien n’est pas de donner une représentation de ses travaux, mais les conditions imposées à la description de ces travaux.

Un très bon dossier de la revue « Science et Vie » rapportait l’explication du physicien Anton Zeilinger pour qui « si l’on part du principe que la notion fondamentale de la mécanique quantique est l’information, une compréhension très naturelle des phénomènes quantiques émerge ».

 

 Une série d’exemples argumentant cette nouvelle approche de la théorie quantique nous étaient alors proposés, tels que reformuler le paradoxe EPR ( expérience citée plus haut de la particule se divisant en deux photons ) : « comment deux systèmes peuvent ils être corrélés à travers l’espace et le temps ? Car ces deux systèmes ayant des caractéristiques communes, ce que l’on apprend sur l’un nous renseigne aussitôt sur l’autre. »

 

 Rien de plus simple ! Ou encore « comment un système peut-il être dans plusieurs états à la fois ? Simplement parce que les informations disponibles ne permettent pas de savoir plus précisément dans quel état il se trouve. »

 La physique ne peut plus nous imposer sa réalité, puisqu’elle ne la connaît pas. Son rôle doit être axé uniquement sur cette idée d’information, sur la description même de ses messages.

 

 

 Notre voyage nous amène inexorablement vers cette notion, vers cette idée que notre compréhension de la nature passera obligatoirement par celle de l’ information.

 

 « L’information est le médiateur entre le matériel et l’abstrait, entre le réel et l’idéal. C’est de cette étrange substance compressible que jaillissent des objets tangibles, que ce soit un atome, une molécule d’ADN, un livre ou un piano, et qui, après des séries de transformations complexes impliquant les sens, vient se loger dans notre cerveau conscient » nous dit le physicien américain Hans Christian Von Baeyer et il ajoute « si nous pouvons comprendre la nature de l’information et l’incorporer dans notre modèle du monde physique, alors nous aurons fait le premier pas sur la route qui mène vers la compréhension de la réalité objective ».

 

 Et si toute cette nature n’était qu’information, si toute cette élaboration, cette construction de phénomènes n’ était guidée que par une volonté, une pure intention ?

 

 Nous sommes bien forcés d’admettre que nos repères physiques se trouvent quelque peu chahutés. La tangibilité d’un monde purement matériel s’estompe peu à peu pour laisser place à un univers fondamentalement spirituel.

 

 Tout ne serait que pensée. Tout ne serait qu’information distribuée de manière logique dans un but résolument créateur. Une volonté, une intention transcendantale se dessine en chaque chose, de la particule élémentaire au phénomène le plus complexe. L’intervention d’un dieu extérieur, permanent et immuable, n’a plus lieu d’être, puisque le tout est un et par conséquent l’un est tout.

 

 Cette idée d’intention, malgré son apparence chaotique, semble donc revêtir une forme de perfection. Un élan est donné, une dynamique d’ensemble apparaît.

 

 La complexité croissante de cette évolution n’est en fait qu’un cheminement, qu’une progression indéniable vers une pureté d’esprit absolu. Nous ne sommes qu’esprit quand tous nos sens ne nous montrent que matière.

 *S. Ortoli J. P. Pharabod, Le Cantique des Quantiques, Ed. La Découverte, 1984.

*V. Zartarian M. Castello, Nos Pensées Créent le Monde, JMG Editions, 2003.

*J. Guitton, G. et I. Bogdanov, Dieu et la Science, Ed. Grasset, 1991.

*G. E.R. Lloyd, Une Histoire de la Science Grecque, Ed. La Découverte, 1990.

*Aristote, la Physique, Ed. Librairie Philosophique, 1999.

*M. Soutif, Naissance de la Physique, EDP Sciences, 2002.

*E. Laszlo, Aux Racines de l’Univers, Ed. Fayard, 1992.

*J. Audouze et M. Cazenave, L’Homme dans ses Univers, Ed. Albin Michel, 2000.

*F. Capra, Le Tao de la Physique, Ed. Sand, 1985.

*D. Bohm, la Plénitude de l’Univers, Ed. du Rocher, 1887.

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