SYNCHRONICITE

« Les choses ne « sont » pas, elles sont ce qu'on pense d'elles ici et maintenant » Berkeley, philosophe.

 Toute personne questionnée sur la signification du mot coïncidence aura une réponse sur le sujet. Il n’en est pas de même pour le mot synchronicité.

 

 Les coïncidences sont des évènements se produisant ensemble, à la suite d’un concours de circonstances. Toutefois, certaines de ces coïncidences sont plus complexes, chargées de sens et laissant une profonde et troublante impression pour la personne. Pour Carl Gustav Jung, nous sommes en présence de synchronicités, une complémentarité qui se crée entre psyché et matière, entre le psychisme intérieur de l’expérimentateur et le monde extérieur objectif. Jung définit la synchronicité comme l’occurrence simultanée d’au moins deux événements ne présentant pas de lien de causalité, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit.

 

 Un des tous premiers chercheurs à s’être intéressé aux phénomènes de coïncidences fut le biologiste autrichien Paul Kammerer qui, durant des années, collecta des centaines de données, d’anecdotes. Il définit ainsi un principe universel de sérialité ou loi de séries : une répétition ou concentration d’événements, de symboles identiques ou analogues dans le temps et dans l’espace, formée à partir d’une loi au sein de laquelle les individus impliqués ne sont pas reliés par les mêmes sources agissantes.

 

 Mais la vraie histoire de la synchronicité commence par une association toute particulière entre un psychiatre suisse, Carl Gustav Jung et un physicien Viennois Wolfgang Pauli.

 Pauli était très réceptif aux idées de Jung sur les « coïncidences significatives » de part son parcours philosophique, son système de pensée mais aussi parce qu’il traversa une sévère crise psychologique qui l’amena sur un chemin troublant et chargé de sens : « Après être tombé en dépression durant l’hiver 1931/32, j’ai commencé lentement à remonter la pente. J’ai rencontré alors des événements psychiques que je ne connaissais pas auparavant et que je nommerai ici simplement « l’activité propre de l’âme ». Il ne fait pour moi aucun doute qu’il y a ici des choses qui se sont développées spontanément et qui peuvent être désignées comme des symboles ; une chose à la fois psychique et objective qui ne peut s’expliquer par des causes matérielles ».

 

 Jung et Pauli établirent tous deux le concept de synchronicité en examinant au plus près la nature même des phénomènes synchronistiques, acausals, significatifs, uniques, et impliquant une forme particulière de modèle dynamique(de pattern) ; le principe de connexion acausale est le suivant: « la synchronicité est la coïncidence dans le temps de deux ou plusieurs événements sans relation causale et ayant le même contenu significatif ».

 

 L’exemple le plus cité est le scarabée de Jung. Ce dernier avait une patiente dont l’approche rationaliste l’empêchait de mener à terme sa thérapie. Ce n’est qu’à la suite d’un certain nombre de séances qu’elle vint à parler d’un rêve où apparaissait un scarabée. Jung écrivit : « Une jeune patiente eut à un moment décisif du traitement un rêve dans lequel elle recevait en cadeau un scarabée doré. Pendant qu’elle me rapportait le rêve, j’étais assis le dos à la fenêtre fermée. Tout à coup, j’entendis derrière moi un bruit, comme si l’on frappait légèrement à la fenêtre. Je me retournais et vis qu’un insecte, en volant, heurtait la fenêtre à l’extérieur. J’ouvris la fenêtre et capturai l’insecte au vol. Il offrait la plus étroite analogie que l’on puisse trouver à notre latitude avec le scarabée doré. C’était un hanneton scarabéide, Cetonia Aurata, « le hanneton des rosiers communs », qui s’était manifestement amené, contre toute ses habitudes, à pénétrer dans une pièce obscure juste à ce moment. Je dois dire tout de suite qu’un tel cas ne s’est jamais produit pour moi, ni avant ni après, de même que le rêve de ma patiente est demeuré unique dans mon expérience. »

 Pour Jung, l’événement repose sur des « fondements archétypiques ». Les archétypes sont « les fondements de la part collective d’une conception », des complexes psychiques autonomes siégeant dans l’inconscient des civilisations, à la base de toute représentation de l’homme sur son univers. Dans l’exemple du scarabée doré de Jung, la synchronicité lui a permis de faire la corrélation entre la présence d’un archétype, symbolisé par l’insecte, et la présence simultanée, réelle, du coléoptère. N’ignorant pas que la mythologie égyptienne associait cet insecte à l’idée de renaissance, Jung se demanda si l’inconscient de sa patiente n’était pas en train d’annoncer, sous forme symbolique, l’imminence d’une renaissance psychologique.

 

 « Une synchronicité » nous dit Jung, « apparaît lorsque notre psychisme se focalise sur une image archétypale dans l’univers extérieur, lequel comme un miroir nous renvoie une sorte de reflet de nos soucis sous la forme d’un événement marqué de symboles afin que nous puissions les utiliser. Nous nous trouvons face à un ’hasard’ signifiant et créateur. »

 

 Pour Jung, l’inconscient est une réalité objective: il est collectif et trans-personnel: « La psychologie n’est pas uniquement un fait personnel. L’inconscient, qui possède ses propres lois et des mécanismes autonomes, exerce sur nous une influence importante, que l’on pourrait comparer à une perturbation cosmique. L’inconscient a le pouvoir de nous transporter ou de nous blesser de la même façon qu’une catastrophe cosmique ou météorologique ».

 

 Jung émet l’hypothèse du « savoir absolu » qui serait constitué par un inconscient collectif formés d’archétypes, et lié notamment à la doctrine platonicienne de la Réminiscence (ou anamnèse). Le savoir absolu correspondrait à la capacité que possède notre inconscient de prévoir statistiquement l’occurrence de phénomènes réels. Pauli a montré dans son ouvrage que certains modèles scientifiques proposés par les plus éminents physiciens tel que Kepler ou Einstein, naissaient d’images intérieures spontanées. (voir « beauté mathématique »).

De même il est fort intéressant de constaté l’étrange simultanéité de nombreuses découvertes de part le monde.

 

 « Le principe de synchronicité que j’ai défini comme coïncidence signifiante » nous dit Jung, « suggère un rapport entre des phénomènes non reliés par la causalité, voire une unité de ces phénomènes et représente donc un aspect d’unité de l’être que l’on peut à bon droit désigner comme « unus mundus ».

 L’hypothèse de l’unus mundus est celle de la non séparation entre le psychique et le physique: « Comme psyché et matière sont contenues dans un seul et même monde, qu’elles sont en outre en contact continuel l’une avec l’autre, il n’est pas seulement possible, mais, dans une certaine mesure vraisemblable, que matière et psyché soient deux aspects différents d’une seule et même chose. Les phénomènes de synchronicité indiquent, me semble-t-il, une telle direction, puisque sans lien causal, le non-psychique peut se comporter comme le psychique, et vice versa ».

 

 Le physicien anglais F. David Peat tend lui aussi à développer ce principe unifiant se trouvant derrière les coïncidences significatives et les concepts d’inconscient personnel et collectif.

 

 Dans son livre « synchronicité, le pont entre l’esprit et la matière», Peat souligne que le principe de causalité et le pouvoir de prévision des équations mathématiques dominent malheureusement le monde: la vision newtonienne de la Nature détermine tous les événements se produisant dans l’univers.

 

 Mais en poussant la causalité à l’extrême, on élargit le contexte où ont lieu les événements à l’infini : toutes choses se produisant dans l’univers est crée par toutes les autres choses. C’est cette conception globale qui nous ouvre d’autres possibilités.

 

 Dans la complexité de l’univers vivant (et non-vivant) « de nouvelles structures émergent d’un arrière plan général » nous dit Peat, et « des modèles significatifs (sortes d’ordre) émergent, naissent du chaos et de la transformation. Chacun de ces systèmes affiche une relation puissante entre la totalité et ses parties. La totalité du système est involué dans chaque élément ».

Peat pense que les synchronicités sont un nouvel indice en faveur de l’existence de l’ordre implié de Bohm.

Tout comme Bohm, Peat est certain que l’apparente séparation entre la matière et la conscience n’est que pure illusion: les synchronicités seraient comme des ’défauts’ dans le tissu du réel, un ’bug’ dans la Matrice qui nous permettrait de jeter un bref regard sur l’immense ordre sous-jacent de la nature.

 

 Selon Peat, la synchronicité nous donne la possibilité d’entrevoir « l’esprit humain fonctionnant, l’espace d’un instant, dans l’ordre des choses et de lui-même, s’étendant à l’ensemble du monde des hommes et de la nature, traversant des niveaux d’ordre sans cesse plus subtils, jusque par-delà la source de toute matière et de tout esprit, jusque dans la créativité pure ».

 

 La conscience contiendrait donc l’ensemble de la réalité objective et le monde matériel renfermerait nos processus de conscience les plus intimes… univers holographique, quand tu nous tiens !

 

 Peat nous dit : « le moi ne manifeste qu’un aspect d’un mouvement plus subtil qui embrasse la structure entière de la conscience ».

*F.D. Peat, Synchronicité, Ed. du rocher/ le Mail, 1988.

**M.L. Von Franz, Matière et Psyché, Albin Michel, 2002.

*C. G. Jung, Essai d’exploration de l’Inconscient, R. Laffont, 1964.

*C. G. Jung, Dialectique du Moi et de L’Inconscient, Ed. Gallimard, 1964.

*M. L. Von Franz, Rêves d’hier et d’aujourd’hui, Albin Michel, 1992.

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