Chamanisme

 

 « Les indiens nous apprennent aussi que la vie ordinaire est illusion et que les rêves sont d’une certaine manière des réalités. » nous dit Jean-Patrick Costa, spécialiste et enseignant en ethnomédecine.

 

 Selon lui « les chamans sont de modestes passeurs, des funambules éphémères qui glissent sur le fil du rasoir. Ils embrassent la Création et la transforment à chaque instant pour venir en aide à tous ceux qui les sollicitent. Tels des miroirs, ils nous renvoient l’infinitude de l’univers. Ils sont les mystiques de l’immanence, des artistes aux frontières de l’indicible, éprouvant les mystères de la nature, des hommes et des femmes humbles et libres. Issus de sociétés valorisant toutes ces qualités, ils réinventent chaque jour la vie tels d’éternels créateurs de monde… »

 

 Le chamanisme est un phénomène très ancien et le sujet même de ses origines portent à controverses.

 

 Il est officiellement reconnu que sa pratique dépasse allégrement les 10.000 ans et pour certains paléontologues tels que Jean Clottes et David Lewis-Williams, le chamanisme pourrait même remonter à l’époque paléolithique.

 Pour les anthropologues et ethnologues, jusque dans les années 60, le chamanisme était une forme primitive de religion dépassée par les cultures hiérarchisées modernes. Pour certains, le chamanisme était même considéré comme une maladie mentale!

 

 Notre société occidentale refoule évidemment toutes pensées de mort et chasse le mystique pour laisser l’unique place au matérialisme. Les peuples dit primitifs, eux, « gardent un contact permanent avec la nature psychique de la réalité et sont en conséquence plus à même de comprendre les lois qui gouvernent ces mondes du dedans », nous dit Holger Kalweit, ethnopsychologue allemand, « bien plus experts que nous à se diriger sur ces terres. »

 

 Pour Holger Kalweit, c’est l’ensemble des traditions chamaniques qui fait état d’un vaste royaume extratridimensionnel où, débarrassé des contingences matérielles telles la faim et la peur, on accomplirait une rétrospective de l’existence sous la direction d’entités spirituelles supérieures et dans le cadre d’un paysage d’une extrême beauté. Pour Kalweit, « le chamanisme et les domaines de recherche dont émane un même mystère offrent une pertinence croissante par les idées nouvelles qu’ils proposent sur le mental et sur l’esprit. Ils nous parlent d’une vaste extension du domaine conscient, de la croyance, du savoir et même de ce que le monde accessible à nos sens n’est qu’une simple illusion. Il n’y a là que des ombres, disent-ils, et cet instrument tridimensionnel que nous nommons notre corps n’est que le réceptacle, la provisoire demeure de « Quelque Chose » d’infiniment plus grand, d’infiniment plus ouvert que ce corps, et qui constitue la matrice du vivant dans sa réalité. »

 

 Discours étrangement ressemblant à ceux de nos NDE occidentales…

 

 Le Dr E. Nadisvara Nayake Thero, ethnologue, a réalisé une étude sur une communauté aborigène australienne: leurs chamanes accèdent par la transe à une dimension tout aussi proche que celle des NDE. Pour ces derniers, ils atteindraient le royaume de l’après-vie et l’élu est à même de converser avec les morts et d’avoir accès sur l’instant à la totalité du savoir: c’est pour eux « le temps du rêve. » Ce serait un plan sur lequel toute limitation de la vie terrestre, comme le temps et l’espace, cessent d’avoir cours et où nous serions tout simplement confronté à l’infini. C’est pour eux « une survie dans l’infini. »

 

 Nous pouvons retrouver là, cette notion d ’une conscience issue de l’impliée de Bohm: la véritable source de l’esprit se situe dans la réalité transcendantale du temps qui rêve.

 Pour M. Talbot, la double notion d’implié et d’explié se retrouve dans la quasi-totalité des traditions chamaniques et la non-localité se manifesterait encore plus nettement dans la formulation que donne du même concept le sorcier sioux Black Elk au sommet du Harney peak : « Une grande vision me fit voir plus que je n’en puis dire et saisir plus que je n’en vis, car ce que mon regard embrassait sur ce mode sacré, c’étaient les formes de toutes choses dans l’esprit et la forme de toutes ces formes telles qu’elles participaient à l’existence d’un être unique ». « N’importe où est le centre du monde. » rajouta-t-il.

 

 Dans son livre « le sorcier des quatre vents », Douglas Sharon nous dit : « Le chamanisme, dans quelque société qu’on l’observe, a probablement pour concept central que, sous-tendant toute forme visible dans le monde, qu’elle soit animée ou inanimée, il existe une essence vitale d’où toutes ces formes émergent et dont-elles sont nourries. Et que tout finit par retourner à cet inconnu transpersonnel, mystérieux et indicible. »

 

 Robert Moss, spécialiste du rêve et du chamanisme ( il enseigne le rêve actif), nous décrit une de ses expériences en rapport avec l’une de ses patientes, Wanda, atteinte alors d’un cancer du sein: « Une nuit, dans un état de rêve, j’ai voyagé jusqu’à elle pour vérifier son état de santé. Je l’ai trouvée dans la nuit prés d’une cave qui était aussi un temple. Elle était glacée, paralysée de terreur par des silhouettes sombres de serpents qui la menaçaient. J’ai attrapé deux des serpents et leur ai fait prendre la forme d’un caducée. Instantanément, le caducée s’alluma dans ma main et devint brillant au point de radier une intense lumière dorée. J’ai effleuré Wanda avec cet objet et elle a aussitôt disparu ».

 

 L’étrangeté de l’histoire vient du fait que Wanda elle-même fit, cette nuit-là, un rêve très lucide où Moss l’ inondait totalement de lumière. Bien évidemment aucune preuve tangible ne peut confirmer l’épilogue de ce récit: une rémission totale pour Wanda.

 

 Tout comme dans ce rêve étrange, la notion de serpents tient une place privilégiée dans l’esprit chamanique. L’image de serpents enlacés, tout comme ce symbole de caducée…

 Mircea Eliade a retrouvé ce thème commun dans pratiquement toutes les traditions chamaniques: il le nomma « axis mundi » ou l’axe du monde.

 

 Selon Eliade, l’axis mundi permet d’accéder à l’au-delà par l’intermédiaire d’un « passage paradoxal » réservé normalement aux morts, que les chamanes réussissent à emprunter de leur vivant. Il est très souvent gardé par un serpent ou un dragon.

 

 Pour Eliade, le chamanisme est l’ensemble des techniques permettant de négocier ce passage, d’atteindre l’axe et d’en ramener le savoir qui lui est associé.

 

 Ce voyage a pour but, dans la plupart des cas, de soigner les gens et la symbolique du caducée prend ici toute sa valeur. De nombreux peuples chamaniques parle notamment d’une corde, d’une échelle ou d’un escalier d’origine céleste reliant le ciel et la terre, pour expliquer la création de la vie.

 Pour Jérémy Narby, il y a dans la nature un modèle similaire « un maître de transformation à la forme serpentine, qui vit dans l’eau et qui est à la fois très long et minuscule, simple et double.

 

 Tout comme le serpent cosmique. » Pour Narby, il n’y a pas de doute; ce dont parle nos chamanes est en relation directe avec la double hélice de L’ADN: une longue chaîne unique constituée de deux rubans entrelacés et reliés en leur milieu par les quatre bases (Adénine, Guanine, Cytosine, Thymine). Un des deux rubans est le duplicata de l’autre: le message génétique est donc double. Ce dernier contient un texte principal sur un des rubans, lu par les enzymes de lecture, et un texte complémentaire de réserve non lu et se trouvant à l’envers.

 

 Ce deuxième ruban joue deux rôles essentiels: un rôle de sauvegarde du texte principal si celui-ci venait à être endommagé et le rôle principal dans la duplication en fournissant le mécanisme pour la reproduction du message génétique, sans lequel une cellule ne pourrait jamais se dédoubler.

 

 Pour Jérémy Narby, « l’ADN décrit par les scientifiques correspond aux essences animées communes à toutes les formes de vie, dont parlent les chamanes, et avec lesquelles ces derniers communiquent dans leurs transes. »

 

 Le biologiste moléculaire Christopher Wills écrit par exemple: « Les deux chaines D’ADN ressemblent à deux serpents enroulés autour d’eux-mêmes dans une sorte de rituel amoureux. »

 

 Il est à noter que l’idée même de modèle holographique semble ici parfaitement convenir. En effet, chacune de nos cellules contient l’ADN nécessaire pour créer le corps entier. Chaque cellule du corps renferme la même information. Par exemple dans chacun de nos doigts se trouve tout ce que l’organisme a besoin de savoir pour fabriquer le tissu de notre cerveau.

 

 Les limitations du langage obligent, les métaphores permettent sans nul doute de mettre en évidence la vision holographique du monde chamanique. Comme nous dit M. Talbot « pour les Kahunas d’Hawaii, tout est relié à tout dans l’univers, et à l’infini comme dans une sorte de toile d’araignée gigantesque. Conscient de cette interconnexion générale, le chamane se tient au centre, à même d’agir en tout point du réseau. » Il rajoutera qu’ « il est curieux que la notion de toile se retrouve associée au concept de ‘maya’ dans la pensée indienne comme dans la notre quand nous parlons d’un tissu d’illusions. »

 

… A suivre.

*Holger Kalweit, Dreamtime and Inner Space.

*J.P. Costa, Les Chamans Hier et Aujourd’hui, Ed. Alphée, 2007.

*J. Clottes et D. Lewis-Williams, Les Chamanes de La Préhistoire, Ed. du Seuil, 1996.

*P. Drouot, Le Chaman, Le Physicien et Le Mystique, Ed. du Rocher, 1998.

*J. Narby, Le Serpent Cosmique, Georg Ed., 1995.

*D. Maurer, L’Autre Réalité, Oxus, 2007.

*C. Castanéda, L’Art de Rêver, Ed. du Rocher, 1994.

*J. Narby V. Ravalec J. Kounen, Plantes et Chamanisme, Mama Ed., 2008.

*C. Sombrun, Mon Initiation Chez les Chamanes, Ed. A. Michel, 2004.

*J. Narby, Intelligence Dans La Nature, Meta-Ed., 2005.

*M. Talbot, L’Univers Est un Hologramme, Ed. Pocket, 1995.

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